La rivalité entre le FC Barcelone et le Réal Madrid
Lors de ces confrontations, toutes le monde du football a les yeux rivés sur ces 22 acteurs. Pour les supporters, c'est évidemment l'une des rencontres les plus importantes de l'année. C'est ce jour-là que les deux clubs peuvent se jauger, pour le bonheur de tous les fans de football.
Il serait facile de penser que cette rivalité est seulement dûe à la rivalité sportive de deux clubs qui se jouent presque tous les ans la Liga, et à la rivalité géographique de deux régions qui se haïssent. Toutefois, il faut remonter loin pour comprendre cette rivalité qui est d'ordre politique.
C'est à partir des années 20 que le football va commencer à devenir une fête populaire en Espagne, mais il faudra attendre les années 50 pour que les clubs espagnols s'émancipent sur la scène européenne. Avant cette époque, le football n'avait suscité qu'un intérêt limité au sein du régime franquiste. Il s'agissait finalement d'un sport d'origine étrangère, au contraire notamment de la corrida, spectacle «authentiquement» espagnol.
Contrairement aux régimes fascistes et nazis, le franquisme n'appréciait pas beaucoup les grands rassemblements sociaux. L'Espagne sortait divisée de la guerre civile et le football était un moyen de propagande utilisé par la République, qui organisait notamment des tournées internationales durant cette guerre civile. Enfin, le terrain du Barça avait été, dans le passé, un lieu de manifestations catalanistes contre l'administration centrale. Le club avait d'ailleurs été suspendu 6 mois car l'hymne espagnol avait été sifflé par les catalans.
Dans les années 1940, le régime imposa des dirigeants dans les différents clubs afin de garantir leur épuration politique et leur soumission au pouvoir. Il n'y avait que la presse sportive qui était sous le contrôle des milieux phalangistes (notamment le journal Marca), le football et le sport en général furent longtemps placés sous la tutelle des militaires.
Mais, dès la moitié des années 50 jusqu'au début des années 60, plusieurs facteurs atténuèrent l'importance du régime sur le football. Tout d'abord, le football avait gardé intacte sa popularité. Ce sport avait joué le rôle de remède social auprès de la population appauvrie. A cette époque, le football traduisait l'émancipation des loisirs, et les grands stades symbolisaient la vitalité d'une société urbaine.
De plus, le football permit à l'Espagne de se rapprocher de l'Europe Occidentale, alors que les liens du pays avec les régimes nazis et fascistes l'en avaient éloignés. L'Espagne fut réadmise à l'ONU en 1955. L'organisation d'une coupe européenne de football cette année-là représentait une opportunité unique pour confirmer les meilleures relations de l'Espagne avec le bloc occidental.
Avec des joueurs comme Di Stefano ou Puskas, le Réal était le meilleur ambassadeur du pays. Remportant les cinq premières coupes d'Europe, le club s'affirma une réputation de vainqueur, qui satisfaisait le régime.
Alors que le Réal était soutenu par le régime franquiste, le FC Barcelone bénéficiait du réveil des revendications nationalistes contre la tutelle du régime. Le Barça représenta à partir des années 1950 à la fois un exutoire, mais aussi un instrument privilégié de résistance et de reconstruction de l'identité catalane. Dès lors, les couleurs bleu et grenat de l'équipe (un héritage laissé par le fondateur du club, le bâlois Hans Gamper) remplacèrent les couleurs rouges et or du drapeau catalan.
La participation croissante des «socios» à la vie et aux élections présidentielles du club permettait de recréer un espace d'expression collective. Quant à la rivalité avec le club de Franco, elle offrait, en cas de victoire, la possibilité de prendre une revanche sur le cours de l'histoire, ou au contraire, en cas de défaite, de voir là une nouvelle démonstration du statut de victime du peuple catalan contre l'imposition centrale. Le souvenir de l'exécution, durant la guerre civile, du président du Barça par les troupes nationalistes, de la défaite contre le Real 11-1 (en 1943), endossée suite à une visite de la police franquiste au vestiaire catalan et des décisions litigieuses de certains arbitres ne fit qu'alimenter ce discours, qui explique que le Barça représente l'un des piliers de l'identité catalane.
Au-delà de la rivalité sportive, cette rencontre constitue un témoignage de la dimension politique du football. Cette rivaltié est révélatrice des antagonismes politiques, et permet d'accélérer les revendications nationalistes.
Il n'est donc pas étonnant de voir qu'aujourd'hui, les deux clubs sont les meilleurs d'Espagne. On peut facilement expliquer cela par le fait qu'ils sont les deux clubs les plus soutenus socialement et financièrement, car le Réal demeure le club du roi...
Enfin, il est utile de préciser que la rivalité entre les deux clubs est restée intacte. Plusieurs anecdotes le prouvent comme le FC Barcelone, qui, après le départ de Figo du Barça vers le Real a gratuitement proposé à tous les socios de retirer le flocage "FIGO" sur leurs maillot. Il est également possible de citer l'anecdote de Samuel Eto'o. L'attaquant camerounais a longtemps appartenu au Real Madrid, qui ne lui faisait pas vraiment confiance, et l'avait prêté, avant d'intégrer l'effectif du FC Barcelone, club avec lequel il réalisa sa meilleure saison espagnole conclue par le titre de champion. Lors de la fête célébrant ce titre, il prononça alors en espagnol "Real cabron, saluda al campeon" (Réal salauds, saluez le champion). Certes, du fait de la volonté de ses dirigeants de garder une bonne image, il s'excusa de cette incartade, mais l'antagonisme entre les deux clubs est toujours aussi marqué.
Football-Rivality - 2005